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AVIS : L’immigration pourrait forcer Macron à abandonner définitivement son approche des « deux côtés »

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Une confrontation se profile en France à propos du nouveau projet de loi sur l’immigration d’Emmanuel Macron, écrit John Lichfield, et c’est peut-être la question qui forcera le président à abandonner sa politique de longue date consistant à tenter de trouver un terrain d’entente dans une scène politique de plus en plus polarisée.

D’un champ de mines à un autre.

Sorti meurtri mais victorieux du psychodrame national sur la réforme des retraites, le président Emmanuel Macron est déterminé à faire adopter une nouvelle loi sur l’immigration cet automne.

Ou peut-être au début de l’année prochaine.

L’immigration est, semble-t-il, devenue le nouveau test de la capacité à gouverner du gouvernement minoritaire de Macron.

Un changement « dur-flic-doux-flic » dans la loi française sur l’immigration (le 30e changement en 40 ans) a été proposé il y a près d’un an. Depuis, il y a eu neuf faux départs et changements de direction.

Le projet de loi a été coupé en deux, puis recollé. Une version amendée a émergé du  Sénat  mais n’a jamais été présentée à l’Assemblée nationale.

Le gouvernement affirme qu’un nouveau texte sera présenté au Parlement avant la fin de l’année. Des rumeurs insistantes circulent selon lesquelles le président Macron serait prêt à dépouiller le projet de loi de ses éléments de flic doux pour tenter de séduire les 62 votes décisifs du centre-droit.

S’il le faisait, le gouvernement pourrait être confronté à une grave scission au sein de sa propre coalition centriste. Les partisans de gauche de Macron sont prêts à faire de l’immigration le champ de bataille sur lequel ils – selon eux – empêchent un glissement de l’alliance gouvernementale vers la droite.

Les opposants à Macron l’accusent parfois d’avoir une attitude « d’un côté et de l’autre » dans la résolution des problèmes. Le projet de loi sur l’immigration en est un bon exemple.

Le projet de loi initial durcissait les procédures d’expulsion des migrants illégaux et des demandeurs d’asile déboutés. Il a également promis des permis de travail à certains « sans papiers » (travailleurs sans papiers) dans les secteurs où la main d’œuvre manque.

Les deux parties abordaient de vrais problèmes.

Parmi les migrants illégaux ou les demandeurs d’asile déboutés expulsés de France, rares sont ceux qui quittent le pays. Le gouvernement n’a aucun moyen de savoir si les 120 000 personnes qui font chaque année l’objet d’arrêtés d’expulsion ou d’OQTF  (obligations de quitter le territoire français)  s’en vont ou non.

La loi proposée changerait cela.

Dans le même temps (pour reprendre l’expression prétendument préférée de Macron ), des milliers de clandestins travaillent déjà clandestinement en France et ne paient pas d’impôts et n’ont pas de droits. Beaucoup d’autres aimeraient trouver un emploi.  

La loi proposée leur permettrait de travailler légalement dans des secteurs comme la construction et l’hôtellerie et, à terme, de pouvoir obtenir la résidence permanente.

Les Républicains de centre-droit, qui occupent des sièges incertains dans un parlement bloqué, ont clairement indiqué qu’ils voteraient contre toute loi incluant des permis de travail pour les clandestins. Si Macron utilise ses pouvoirs constitutionnels d’urgence pour court-circuiter l’Assemblée et imposer la loi, ils affirment qu’ils soutiendront un vote de censure et feront tomber le gouvernement de la Première ministre Elisabeth Borne.

Selon les médias ou des fuites délibérées du mois dernier, Macron est donc prêt à céder au centre-droit et à abandonner les permis de travail. Lundi dernier, la partie de gauche de la coalition présidentielle a riposté.

Plusieurs hauts parlementaires macronistes ont signé une lettre ouverte dans le journal Libération avec des indépendants et des dirigeants modérés de gauche. Ils ont appelé le gouvernement à mettre fin à une situation « hypocrite » et « kafkaïenne » dans laquelle la France dépend du travail de plusieurs milliers de travailleurs illégaux mais refuse de reconnaître officiellement leur existence.

L’hypocrisie est le mot correct. Le discours anti-migrants de la droite française et de l’extrême droite (de plus en plus indiscernables) ignore les contributions des migrants légaux à l’économie et à la société. Les clandestins sont dépeints comme des meurtriers, des violeurs ou, au mieux, des épongeurs.

Dans le même temps (j’y reviens), tous les pays européens doivent trouver un moyen de réguler la vague de migration clandestine et de demandeurs d’asile en provenance des pays en souffrance d’Afrique et du Moyen-Orient.

L’extrême droite et la droite parlent d’une France « submergée » par une migration « incontrôlée » et « massive ».

Débordé ? Vraiment?

Le solde migratoire officiel est inférieur à 200 000 personnes par an, dont une sur trois originaire d’autres pays de l’UE. Ces chiffres n’ont que légèrement augmenté au cours de la dernière décennie.  

La migration illégale, de par sa nature, est difficile à quantifier. Les estimations fournies cette année à une commission parlementaire suggèrent que jusqu’à 200 000 personnes entrent illégalement en France chaque année. Certains sont renvoyés chez eux ; d’autres se rendent dans d’autres pays, notamment par petit bateau jusqu’au Royaume-Uni ; beaucoup restent.

La population « clandestine » permanente de la France est estimée entre 400 000 (ministère de l’Intérieur) et 900 000 (ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur). Il ne s’agit pas là d’un « inondation » d’un pays de 68 000 000 d’habitants ; mais cela met à rude épreuve certaines banlieues déjà en difficulté de Paris et d’autres villes françaises.

Il est donc logique de permettre à une partie des résidents illégaux déjà présents de contribuer à une économie qui manque cruellement de main d’œuvre (sur les chantiers, dans les maisons de retraite et dans les restaurants).

Non, disent Les Républicains. Cela ne fera qu’attirer davantage de migrants clandestins.

Oui, affirme la partie centre-gauche de la coalition centriste de Macron. À moins que vous n’adoptiez une approche plus « humaniste » et ne reconnaissiez la contribution que les clandestins peuvent apporter (et apportent déjà), nous ne soutiendrons pas la section « flic dur » de votre projet de loi.

Résultat : une impasse.

Macron et Borne pourraient décider d’utiliser leurs pouvoirs d’urgence en vertu de l’article 49.3 de la Constitution et faire adopter le projet de loi dans sa forme « équilibrée ». Ce serait un gros pari.

Les Républicains, faibles et divisés, ont beaucoup à perdre en renversant le gouvernement et en risquant des élections législatives anticipées. Et pourtant, ils ont décidé, sous la direction de leur leader d’extrême droite Eric Ciotti, que la seule façon de retrouver leur gloire d’antan était de s’aligner sur la rhétorique anti-migrants de l’extrême droite.

Macron s’est lancé dans une course contre une éventuelle modification de la constitution afin de permettre un référendum qui pourrait voter sur une autre modification de la constitution visant à durcir les règles en matière d’immigration. Cela ne mènera nulle part rapidement.

Le blocage du projet de loi hybride laisse deux véritables problèmes non résolus. Si aucune loi sur l’immigration n’est adoptée, le Rassemblement national de Marine Le Pen perdra des voix lors des élections européennes difficiles de juin prochain.

Il y a de fortes chances que Macron et Borne retardent (encore) une confrontation jusqu’au début de l’année prochaine dans l’espoir que quelque chose se passe.

Ce ne sera pas le cas.

À un moment donné, le président Macron devra décider s’il doit abandonner son propre centre-gauche ; abandonnez la loi; ou bien bluffer les Républicains et tenter leur chance sur l’article 49.3.

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