Le pétrolier russe surnommé Boracay, navire phare de la « flotte fantôme » russe utilisée pour contourner les sanctions occidentales, a été arraisonné par la marine française fin septembre 2025 au large de la Bretagne. Après plusieurs jours d’interruption, il a repris sa navigation le 3 octobre au matin, suscitant de nombreuses réactions politiques et judiciaires, alors que son commandant, de nationalité chinoise, fait face à des poursuites pour refus d’obtempérer.
Arraisonnement et contexte juridique
Une opération maritime exceptionnelle au large de la Bretagne
Le 27 septembre, une frégate de la Marine nationale française a intercepté le Boracay, aussi appelé Pushpa, alors qu’il se trouvait au large de l’île d’Ouessant. Le navire de 244 mètres, battant pavillon du Bénin, était suspecté d’appartenir au vaste réseau maritime russe nommé la « flotte fantôme », un ensemble de navires souvent modifiés dans leurs inscriptions et pavillons pour échapper aux sanctions imposées à Moscou depuis 2022.
Cette saisie s’est appuyée sur l’article 110 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Montego Bay), permettant à un État d’arraisonner un navire en haute mer s’il y a des motifs raisonnables. Le parquet de Brest a ouvert une enquête pour « défaut de justification de la nationalité du navire/pavillon » et « refus d’obtempérer ».
Procédures judiciaires en cours
Lors de la garde à vue, le capitaine et son second, citoyens chinois, ont été placés en détention. Le procureur de Brest a finalement décidé d’engager des poursuites uniquement contre le commandant, qui est convoqué devant le tribunal correctionnel de Brest le 23 février 2026.
Le second officier a été relâché sans poursuites. La nature précise des « délits maritimes » qui seront discutés en justice, en particulier autour du « refus d’obtempérer », laisse présager un débat juridique sur la souveraineté et le respect des normes internationales en mer.
Le rôle stratégique du Boracay dans la « flotte fantôme » russe
Des manœuvres pour contourner les sanctions
Selon plusieurs enquêtes, le Boracay fait partie des 600 à 1000 navires vieillissants et réimmatriculés formant la flotte fantôme russe. Ces navires transportent souvent du pétrole en provenance directe de Russie vers des marchés comme l’Inde, via des itinéraires occultés, ignorant les restrictions sévères.
Le Boracay a changé plusieurs fois d’identité et de pavillon Gabon, îles Marshall, Mongolie, entre autres pour brouiller les pistes. Parti du port russe de Primorsk le 20 septembre avec un chargement pétrolier important, il se dirigeait vers le port indien de Vadinar, un site-clé pour les exportations russes.
Impact sur le trafic et opérations coordonnées
Au même moment que l’arraisonnement, des survols de drones ont provoqué la fermeture temporaire d’aéroports au Danemark, près de la route maritime empruntée par le Boracay, renforçant les soupçons selon lesquels le navire pourrait avoir servi de plateforme ou de leurre dans ces opérations.
Réactions politiques et diplomatiques
Un signal fort de la France et de l’Union européenne
Le président français Emmanuel Macron a qualifié cette opération de « très importante » dans le cadre de la lutte européenne contre le financement de la guerre en Ukraine. Il a plaidé pour un renforcement de la pression sur la flotte fantôme, soulignant son rôle dans la réduction des revenus russes issus du pétrole.
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu a salué l’intervention efficace de la marine et des forces de l’ordre en mer, soulignant que cette action s’inscrit dans une stratégie plus large visant à faire entendre l’Europe dans ce dossier crucial.
Réaction russe : accusation de piraterie
De son côté, Vladimir Poutine a qualifié la saisie de « piraterie » et a fermement condamné cette action qu’il considère comme illégale. Il a assuré que le navire ne transportait pas de cargaison militaire et a prévenu que la Russie prendrait des mesures de rétorsion appropriées, dénonçant une « démonstration de force » occidentale.
Déroulé actuel : reprise de la navigation et perspectives
Retour en mer et itinéraire incertain
Selon les sites de suivi maritime Marine Traffic et VesselFinder, le Boracay a quitté son mouillage au large de La Rochelle dans la nuit du 2 au 3 octobre 2025, repartant vers le sud-ouest en direction probable du canal de Suez.
Le commandant et son second ont été remis à bord après leur garde à vue, et la route du navire se poursuit dans un climat de surveillance accrue. Le parquet reste discret sur le futur du navire qui, pour l’instant, n’a pas été saisi juridiquement malgré les charges en cours.
Enjeux futurs et décisions attendues
La saisie de ce navire emblématique marque un tournant dans la pression exercée par l’Europe sur la Russie. L’enquête judiciaire et les suites de ce dossier seront scrutées avec attention car elles pourraient ouvrir la voie à des actions similaires ciblant la flotte fantôme et ses mécanismes complexes.
L’affaire Boracay illustre à la fois les défis techniques et juridiques posés par la flotte fantôme russe, les enjeux géopolitiques de la guerre en Ukraine, ainsi que la détermination européenne à couper les sources de financement de la Russie par des actions navales coordonnées et ciblées.