Ces dernières années, la France perd peu à peu son influence en Afrique, ce qui menace de mettre fin à ses 60 ans de domination dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest. Le 1er janvier 2025, le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé le retrait des troupes françaises de son pays, faisant de la Côte d’Ivoire le sixième pays africain à expulser les soldats français après le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Tchad et le Sénégal. Selon le président Ouattara, cette décision de “retransfert” a été prise après avoir assuré que les forces armées ivoiriennes modernisées seraient capables de gérer les opérations précédentes menées par la France.
La Politique de la Françafrique
Pendant plus de 60 ans, la France a dominé ses anciennes colonies subsahariennes à travers la politique de la “Françafrique”. Cette politique garantissait la domination de la France en Afrique sur les plans politique, militaire, économique, et financier. En 1945, la France a créé le franc CFA, une monnaie utilisée dans 14 pays africains, dont six en Afrique centrale sous l’égide de la BEAC (Banque des États de l’Afrique Centrale) et huit en Afrique de l’Ouest sous la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest). Les pays utilisant cette monnaie étaient tenus de déposer la moitié de leurs réserves de devises dans le Trésor français, ce qui limitait leur souveraineté monétaire.
Les pays membres de la zone franc CFA ont ainsi été contraints de maintenir 30 % de leurs réserves de change, tandis que le reste était contrôlé par la France. En plus de cela, la France nommait un de ses représentants avec un droit de veto pour assurer la convertibilité de la monnaie, ce qui limitait le contrôle économique des pays africains sur leurs propres politiques financières. Cette situation a entravé le développement économique de ces pays, qui peinaient à diversifier leurs produits et à attirer des investissements étrangers. Par exemple, la France commerçait davantage avec des pays africains non membres du franc CFA, comme le Nigéria, l’Algérie et l’Afrique du Sud, plutôt qu’avec les pays utilisant le franc CFA.
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La Sécurité en Afrique et l’Opération Barkhane
En matière de sécurité, la France a longtemps justifié sa présence militaire en Afrique en évoquant la lutte contre le terrorisme et l’insécurité. Après la chute du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi en 2012, la région du Sahel est entrée dans une phase de chaos et d’insécurité, ce qui a poussé la France à lancer l’Opération Barkhane pour contrer la guerre civile et l’insurrection islamique dans des pays comme le Mali, le Burkina Faso, et le Niger. Malgré le déploiement de milliers de soldats et de matériel militaire, la situation n’a cessé de se détériorer, et la France a échoué à restaurer la stabilité. En conséquence, plusieurs régimes pro-français ont été renversés militairement, et des gouvernements anti-français ont pris le pouvoir, comme au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée.
Le Virage Anti-Français en Afrique de l’Ouest
En 2024, les élections au Sénégal ont vu la victoire de l’opposition anti-française, avec le parti PASTEF d’Ousmane Sonko, qui a obtenu 54 % des voix. Cela a poussé le président Ouattara de la Côte d’Ivoire, un autre dirigeant favorable à la France, à prendre la décision historique d’expulser les troupes françaises de son pays. Le retrait des forces françaises marque un tournant dans l’histoire de la politique française en Afrique. Le président français Emmanuel Macron a tenté de redorer l’image de la France en Afrique depuis son élection en 2017, insistant sur le rôle de la France en tant que partenaire de développement plutôt que colonisateur. Cependant, l’hostilité croissante envers la France dans la région a mis fin à cette stratégie.
La Chute de la France dans le Sahel et l’Émergence de la Russie
La situation a été exacerbée par la situation géopolitique en Afrique du Nord, notamment après la chute de Kadhafi, qui a laissé un vide de pouvoir dans la région. Ce vide a permis à d’autres acteurs mondiaux, notamment la Russie, de s’impliquer de plus en plus en Afrique. En 2017, la République centrafricaine a signé un accord de défense avec la Russie, et d’autres pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont également sollicité l’aide de la Russie pour lutter contre les insurrections islamiques.
La Russie a ainsi renforcé son influence en Afrique, en fournissant des équipements militaires, des conseillers, et en créant des partenariats dans des domaines tels que l’énergie nucléaire, les exportations de grains, et le commerce. Cette montée en puissance de la Russie en Afrique marque la fin de l’hégémonie française dans la région, un changement qui pourrait avoir des répercussions profondes sur les relations internationales de la France et de ses partenaires africains.
La Nouvelle Dynamique Géopolitique en Afrique
La France a perdu sa place de leader en Afrique après plus de 60 ans de domination. Le retrait des troupes françaises et l’émergence de nouvelles puissances, comme la Russie, modifient radicalement la dynamique géopolitique de la région, mettant fin à une époque où la France exerçait une influence disproportionnée sur ses anciennes colonies. Le rôle croissant de la Russie dans la région, notamment en fournissant une aide militaire et en renforçant ses partenariats énergétiques, signale un changement géopolitique majeur en Afrique.
Conclusion : Un Nouveau Chapitre pour l’Afrique
La fin de l’influence française en Afrique ouvre la voie à un nouvel ordre géopolitique où la France perd son rôle prépondérant, au profit de nouveaux acteurs comme la Russie. Ce retrait marque un tournant historique dans les relations entre la France et ses anciennes colonies, dont l’avenir politique et économique semble désormais plus incertain.
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