La Chine est depuis plusieurs années le “poids lourd incontesté” de la production d’aluminium, produisant plus de 50 % de l’aluminium mondial et plus de la moitié de l’alumine. Cependant, cette domination repose sur une base fragile : la bauxite importée. Malgré ses réserves considérables de bauxite, estimées à plus d’un milliard de tonnes, la Chine n’a jamais réussi à exploiter pleinement ses propres ressources en raison de la faible qualité de la bauxite domestique. Cela pourrait être sur le point de changer grâce à une entreprise technologique française peu connue, IB2, qui affirme pouvoir transformer la bauxite de faible qualité de la Chine en alumine de haute valeur, sans les inconvénients économiques et environnementaux habituels.

Un marché en pleine croissance mais dépendant des importations

Pendant des décennies, l’industrie de l’aluminium de la Chine a prospéré grâce à des importations de bauxite de meilleure qualité, en provenance de Guinée, d’Australie et d’Indonésie. L’appétit grandissant des fonderies chinoises a entraîné une augmentation spectaculaire des importations : en 2002, elles représentaient 2,8 % de l’approvisionnement, contre plus de 55 % en 2023. La Guinée fournit actuellement environ 70 % de la bauxite importée par la Chine. Cependant, cette dépendance commence à poser problème. Les troubles politiques en Guinée, les changements de politiques d’exportation en Indonésie et les relations commerciales tendues avec l’Australie ont tous inquiété Pékin. L’aluminium est trop stratégique pour être laissé aux mains d’acteurs étrangers.

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La bauxite de la Chine : abondante mais difficile à exploiter

L’ironie de cette situation est que la Chine possède de grandes quantités de bauxite sur son propre territoire. Les réserves domestiques sont estimées entre 1 et 1,3 milliard de tonnes, principalement situées dans les provinces de Shanxi, Henan et Guangxi. Mais la majorité de cette bauxite est de type diasporique, une variété dense et riche en silice qui est particulièrement difficile à raffiner avec le procédé Bayer, la méthode standard utilisée dans l’industrie. Contrairement aux minerais plus tendres provenant de Guinée et d’Australie, la bauxite diasporique nécessite des températures plus élevées, des procédés chimiques plus agressifs et une consommation énergétique beaucoup plus importante. En résumé, elle est coûteuse, polluante et inefficace.

L’arrivée de la technologie IB2 : une solution française

Face à ces défis, la Chine a longtemps ignoré sa propre bauxite. Les raffineries étaient principalement situées près des ports côtiers, à distance des mines intérieures. L’option la plus pratique était d’importer la bauxite de pays étrangers. Mais cela n’était pas une solution durable à long terme. C’est là qu’entre en jeu IB2, une société technologique française qui travaille sur ce problème depuis plus d’une décennie. Dirigée par le chimiste Yves Ocello, IB2 a mis au point une technologie de prétraitement spécifiquement conçue pour la bauxite diasporique. Plutôt que de réinventer le procédé Bayer, IB2 a développé un système qui le complète et le rend viable pour les minerais à forte teneur en silice. Ce procédé neutralise les impuretés, notamment la silice et le soufre, avant la digestion, permettant ainsi aux raffineries de traiter la bauxite domestique sans devoir rénover leurs infrastructures ni supporter la pénalité énergétique que la bauxite diasporique impose généralement.

Le test décisif à Liulin, Shanxi

En juillet prochain, la raffinerie de Liulin, située dans la province de Shanxi, deviendra la première au monde à tester une unité IB2 à grande échelle. Dans le cadre d’un accord de licence de 22 ans avec IB2, Liulin Senze Coal & Aluminum mettra la technologie française à l’épreuve. Les premiers résultats sont prometteurs : des taux de récupération d’alumine comparables, une consommation d’énergie réduite et une amélioration significative de l’économie pour la bauxite “inutile” de la Chine.

Un avenir plus autonome pour la Chine

Si cette expérience à Liulin est concluante, cela pourrait marquer un tournant majeur. La Chine pourrait réduire de moitié ses besoins d’importation de bauxite au cours de la prochaine décennie, ce qui constituerait un bouleversement dans la chaîne d’approvisionnement de l’aluminium, mais aussi sur le marché mondial de l’aluminium. Les pays fournisseurs comme la Guinée, l’Australie et l’Indonésie pourraient voir leur rôle diminuer, et la Chine deviendrait plus autonome dans la production d’alumine, réduisant ainsi sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

Conclusion

L’innovation technologique française pourrait permettre à la Chine de résoudre un problème de longue date et de transformer ses ressources naturelles en atout stratégique pour l’industrie de l’aluminium. Cela offrirait à la Chine une indépendance accrue tout en renforçant sa position de leader sur le marché mondial de l’aluminium, tout en améliorant l’efficacité énergétique et en réduisant l’impact environnemental.

Cet article a été publié à l’origine sur : alcircle